Cela va bientôt faire un an que je travaille à mon poste actuel. Le bilan s'impose et autant vous dire qu'il est à pleurer de rire comme de désespoir.
J'ai débuté sous les couleurs du Ministère De l'agriculture en pensant que ça serait toujours "moins pire" que dans l'éducation nationale : moins de mépris pour les élèves, plus de temps à leur consacrer etc... Mais pas du tout... C'est tout pareil, à la différence qu'en plus, on met entre parenthèse leurs conforts (en changeant l'emploi du temps le plus souvent possible... histoire d'être sur d'en perdre en route et de pouvoir le leur reprocher) et l'aspect pédagogique (et en même temps, on est capable de créer des usines à gaz au nom du "on va nous filer des thunes").
Dans mon école, l'organisation est minable. N'allez pas croire qu'elle est pire qu'ailleurs. Non, loin de moi cette idée. La différence c'est que ce bordel est transparent à tous les échelons :
- au niveau de l'administration même : ça c'est normal... tous les établissements scolaires connaissent des vents de paniques au moment de la rentrée comme de l'arrivée des résultats aux examens, du recrutement, des journées portes ouvertes etc...
- au niveau du personnel enseignant : bah ça peut arriver quand l'organisation est suffisamment nulle pour que la pression soit telle au niveau de l'administra ion qu'en explosant, cette dernière éclabousse les profs. A eux d'absorber la pression et de trouver un mode d'organisation interne, souvent boiteux, pour que ça ne se voit pas trop au dehorsde l'école,
- à tous les niveaux... même (et surtout) au niveau des élèves qui en profitent. Personne n'arrive à vous dire ce qui est prévu pour le mois à venir. Personne ne sait trop quelle classe ou même quelle matière, il se cognera au 2 septembre.
Ici, nous sommes dans la dernière catégorie, avec ce petit rien qui rappelle l'état d'esprit soviétique : "Tout est sous contrôle"...
Dans mon école, on n'est pas prof mais formateur : ça veut dire qu'on a obligation d'être là 40h hebdo, qu'on n'a pas droit aux heures sup', qu'on ne doit pas compter les heures passées devant les élèves, on n'est pas fonctionnaire, on baigne dans la précarité pendant 6 ans et surtout qu'on a des emplois du temps qui changent à la vitesse du son... et pour voir si on suit bien, bah on nous le dit surtout pas et on n'a pas d'autres moyens de le savoir qu'en arrivant le matin : "Coool, il est 8h15, je vais me faire un p'tit café et je vais étoffer un peu mes cours de cet après midi, puisque je n'ai pas cours ce matin... dans le doute vérifions... " Dommage : ça fait un quart d'heure que vous deviez être devant une classe de jeunes déchaînes. Le changement a eu lieu quand ? Bah ce matin entre 6h30 et 7h parce que ... bah ... on sait plus.
Dans mon école, on nous dit que tout le monde est traité à la même sauce, que personne n'a de privilège dû à l'ancienneté, au copinage ou même au gros coup de flippe de la direction qu'un élément puisse se barrer alors qu'on hyper-besoin de lui... mais bon... on sait que certains gagnent 2 fois plus que d'autres, que NON, on a pas le droit de ne pas prendre ses vacances pour se les faire payer (enfin, sauf si...), que si vous avez des heures sup' par un tour de passe-passe incroyable elles ne vont pas vous être versées...
Le nom de mon école est constituée de lettres qui veulent dire quelque chose et un peu comme URSS raisonne à nos oreilles : on voit vaguement ce que c'est mais on ne sait pas trop à quoi ça sert, ni ce que ça peut vouloir dire.
Dans mon école, on ne sait plus trop qui travaille pour qui... qui travaille avec qui. Comprennenez que l'organigramme est en forme d'étoile : ça fait joli, mais ça ne sert à rien.
Dans mon école, on n'a plus de sous pour rien si ce n'est payer des tous nouveaux Blackberry et Ibook à nos innombrables directeurs... et pour les craies ? y a plus de sous, vous nous coûtez trop cher, bande de vilains.
Dans mon école, quand on veut prendre une voiture, on doit signer 12 papiers différents qui doivent être transmis à tous nos directeurs pour accord et après interrogatoire, on peut emprunter l'un des véhicules made in France... en espérant qu'ils ne soient pas en panne.
Dans mon école, on a des hommes à tout faire : ils sont capables de déneiger la cours, changer les ampoules, décharger des carcasses de viandes, déboucher les toilettes et aider à la cantine en une demi journée et sans changer de tenue.
Bref... le bloc soviétique n'est pas loin !
Ah quand le Goulag ?